La compagnie est soutenue et accompagnée par Elektronlibre / Olivier Saksik pour les relations presse.
Presse Et leurs Cerveaux qui dansent
THÉÂTRES.COM : “On est tour à tour impressionnés, touchés, amusés, et tristes. Mais plus important sans doute il y a quelque chose de communicatif dans leur travail, une forme un peu abstraite de contagion de l’émotion.”
SNES-FSU : “Réfléchir aux questions qui se posent aux mères d’enfants intellectuellement précoces, en étant à la fois vraies et pleines d’humour, le pari réussi de deux comédiennes”
LA TERRASSE : “Toutes deux sont mamans d’un enfant différent, avec des spécificités neurologiques. Séphora Haymann et Vanessa Bettane font théâtre à partir de leurs parcours. Un spectacle comme une loupe grossissante, un écho amplifié de leurs expériences.”
JE N’AI QU’UNE VIE: “Une pièce qui m’a fait rire, qui m’a touché. Une pièce qui fait du bien.”
LES TROIS COUPS: “Le dispositif scénique est au service de ce projet : la cabine son et les projections vidéo donnent de l’ampleur aux déraillements en tous genres des comédiennes. Et c’est justement en sortant des rails de la pièce attendue et moralisatrice que le duo offre une belle réflexion sur la norme et sur son corollaire : la différence.”
OTHELLO :Des mères universelles et aimantes qui sont nous tous, spectateurs et spectatrices de Et leurs cerveaux qui dansent. »
SYMA NEWS : « Les deux comédiennes parviennent à nous transporter avec légèreté dans leur univers en faisant preuve d’esprit, d’autodérision et même de poésie. Face à la figure douce et sereine de Séphora, Vanessa joue d’une carte sombre etnerveuse qui contrebalance parfaitement le caractère de sa partenaire. Ensemble, elles nous nous offrent ainsi deux chemins de pensées en miroir sans poser aucun jugement. À vous de construire le vôtre... »
INTERVIEW THEATRES.COM:
https://www.letheatre.online/theatre-entretien-avec-vanessa-bettane-sephora-haymann-une-creation-nourrie-par-les-fantasmes/
Presse Maintenant que nous sommes debout
Les 5 pièces // Alice
Bouleau
« Maintenant que nous sommes debout »
de Vanessa Bettane et Séphora Haymann
Du 2
au 13 novembre 2016
Notre avis : une réussite
Après A Better Me, Vanessa Bettane et Séphora Haymann se lèvent, et nous
racontent la nostalgie de pays qu'elles n'ont pas connus, la douleur d'un
exil forcé qui les a portées, elles et leur famille, jusqu'au théâtre de
Belleville.
« J’avais quatorze ans quand mon monde a
disparu. »
La pièce en bref
C'est le
genre de pièce où la troupe remercie le régisseur avant de commencer à jouer.
C'est le genre de pièce où une des comédiennes nous avoue qu'elle aurait adoré
nous accueillir avec un couscous. Du coup, un peu pris de court, on s'assoit,
on regarde ces deux femmes nous raconter l'arrivée de leur famille en France.
Ça commence au cimetière de Clamart et ça remonte le cours de l'histoire, des
rues de Casablanca à Châtillon-sous-Bagneux. Le chassé-croisé des générations
s'opère à coups de tendresse et de voyages à dos d'âne dans le désert marocain.
Jusqu'au jour de l'exil, de la guerre, du mouillage du bateau dans le port de
Marseille. Le douanier déchire les passeports marocains : "Bienvenue en
France, mademoiselle". La maladie de la nostalgie commence dès lors à
ronger ces enfants exilés contre leur gré.
Vanessa
Bettane et Séphora Haymann ont l'intelligence de nous faire ressentir leur
peine et le vide sans tomber dans le pathos. Elles nous font rire, en nous
parlant de leur grand-mère qui était "cardiaque, donc mourante en
permanence". Elles réécrivent l'histoire de ce père qui torturait
pendant la guerre d'Algérie et qu'elles auraient préféré savoir déserteur.
Elles nous parlent de janvier et de novembre 2015, de cette fiction de violence
qui dépasse la réalité d'un passé oublié de force. Le rythme est soutenu et
entraînant jusqu'à la fin, quand elles se couchent sur un monticule de
poussière d'or : un peu leur petit coin à elles.
Le Souffleur // Abdel
djallil Boumar
Maintenant que nous sommes debout
La mère de Séphora a quitté le
Maroc à 13 ans avec ses six frères et sœurs, une nuit, en laissant tout
derrière elle, sa maison, ses affaires, ses meubles, ses habitudes.
Le père de
Vanessa est né en Algérie, il vivait à Marnia, à la frontière Marocaine en
famille : cousins, cousines, oncles, tantes, grands parents… Ensemble.
Deux
femmes en recherche d’imaginaires, de mémoires, de contes, de silences et de
mots. Deux artistes qui se racontent sur scène en incarnant des personnages
issus de leur cercle familial.
C’est
un voyage dans le temps et l’espace que nous offrent les jeunes femmes en
gardant un pied au sol, celui du théâtre de Belleville.
C’est
avec une immense énergie communicative et un grand sens de la dérision que
l’alchimie opère. L’imaginaire fuse et nous fait parvenir une esthétique et un
propos juste et maîtrisé.
Comment mobiliser un imaginaire Maintenant que nous sommes debout, ancrés
dans le sol ?
L’imaginaire
partira ici de la terre, des interrogations, des doutes, des inspirations et
des expirations. Un souffle qui rencontre des mots. Des mots qui rencontrent un
silence, celui du vide, du non-dit, des repas de familles, celui des questions
aussi.
Qui
suis-je ? Où vais-je ? Voici enfin venu le temps du « jeu ». Oui du « jeu »,
celui d’incarner ses parents et grands-parents sur scène. Celui de s’amuser à
rendre visibles des personnages familiers et touchants. Celui de se dire sur
scène sans tomber dans l’auto-psychanalyse, dans le « Angelica Liddell ». Celui
de se jouer sans jouir de son « je ».
Ce
qui à la fois déroutant par moments et foutrement intelligent dans ce spectacle
c’est le fait de rendre visible le cheminement d’une recherche, d’une écriture,
d’une création. Tout au long du spectacle, nous assistons à une construction,
un chantier dont nous voyons le terrassement, les murs, les fenêtres, les
portes, les peintures et les couleurs.
La
pièce commence par une adresse directe au public expliquant la genèse de la
chose que l’on va voir. Une mini-conférence théâtrale qui pose une question simple
: Qu’est qu’on fout là ?
Ainsi
le spectateur ne rentre pas dans cette pièce comme un voyeur mais comme une
sorte de « voyant averti ». Et cela change toute notre perception car nous
sommes conscients et concernés par leurs histoires, leurs doutes et leurs
imaginaires. Nous entrons dans la pièce, dans cette illusion collective comme
elles entrent dans leurs personnages et nous les suivons.
Abdel Djallil Boumar.
Théatres.com // Audrey Jean
article en ligne
Théâtre : « Maintenant que nous sommes debout » portrait d’une
génération.
Le
Théâtre de Belleville est depuis quelques années un formidable accompagnateur
de recherches pour des jeunes artistes ambitieux, mettant souvent à l’honneur
dans sa programmation des créations originales et nécessaires, des textes qui
se veulent un écho puissant à notre société en proie à de profondes
crises. Dans ce spectacle protéiforme les deux jeunes comédiennes Vanessa Bettane
et Sephora Haymann questionnent leurs origines, se cherchent, se racontent,
fouillent les mémoires à la recherche des fondements familiaux, dressant ainsi
un portrait lumineux d’une génération métissée et résolument tournée vers
un futur optimiste.
« On
est où là ? »
En
tout premier point on se le demande avec un bord de plateau pour le moins
truculent. Tandis que Séphora Haymann tente d’expliquer avec beaucoup de
sérieux à son auditoire le pourquoi d’un tel travail d’investigation sur leurs
origines ainsi que la méthode dramaturgique employée, Vanessa Bettane se perd dans
des digressions plus légères dirons-nous. Par ce simple aparté de départ
les deux comédiennes donneront le ton du spectacle. Il ne sera pas ici
question de se plaindre, de se poser en victime ou en juge, mais d’interroger
en toute objectivité d’où nous venons. Elles savent de quoi elles parlent
assurément, la mère de Séphora a fui le Maroc à 13 ans, le père de Vanessa a
fait la guerre d’Algérie, comme tant d’autres elles viennent d’ici et
d’ailleurs. Qu’est ce qu’on fait de ce bagage ? Avant tout chose les deux
comédiennes vont l’ouvrir cette valise, et en affronter le contenu, ensemble.
Sans pathos, avec humilité et sobriété elles font face à leurs racines emmêlées
et entament la construction et le rangement de leur petit chez-soi.
« On
est où là ? »
En
interchangant systématiquement la prise de parole, en brouillant les pistes de
la narration et en passant sans arrêt de l’état de narrateur à l’incarnation de
leurs ancêtres Séphora Haymann et Vanessa Bettane n’écrivent cependant pas
seulement un spectacle sur leurs propres origines. Par la répétition de cette
simple phrase « On est où là ? » c’est le monde entier qu’elle
questionnent, c’est le poids incommensurable du passé qu’elles soupèsent, c’est
la valeur de la transmission qu’elles essaient d’estimer. Elle est courte cette
fresque pourtant mais en un peu plus d’une heure elles parviennent à ramasser
et amalgamer comme une énorme boule de matière toute la mixité culturelle de
cette génération, son incroyable richesse, ses incompréhensions, ses désillusions
mais aussi sa force. Son incroyable envie d’exister.
La
valise est ouverte. Elles sont debout maintenant. Tout est à faire.
Audrey Jean
Reportage
Alexis Perché
Belleville, quand le quartier devient
théâtre.
«
On est où là ? ». A Belleville. Au théâtre de Belleville.
Mercredi 9 novembre 2016. Les murs, les plafonds, le sol, tout est noir. Un
vieux fauteuil élimé, une lampe déglinguée et une valise entrouverte
constituent le décor du spectacle « Maintenant que nous sommes
debout ». Il a mûri pendant deux ans dans la tête de Vanessa Bettane et
Sephora Haymann. «
Sephora
comme la fille de Moïse, pas comme la parfumerie » reprend la
comédienne avec un sourire. Elles se tiennent droites à l’arrivée du public,
pas de rideau rouge qui se lève, pas de cérémonie. Jeans, t-shirts et baskets,
ce sont des filles ordinaires qui font face aux rangs silencieux. Ordinaire
avez-vous dit ? Peut-être pas tant que ça. «
On a une histoire commune en quelque sorte qui nous vient de nos
parents respectifs, explique Vanessa.
Mon
père vient d’Algérie, il est français juif pied noir donc il a fait la guerre
très tôt et en 1962 il a dû partir très vite car les colons étaient renvoyés en
France. La mère de Sephora est marocaine, sa famille a dû partir quand elle
était très jeune car le Maroc devenait dangereux pour les juifs. »
La pièce commence par deux
monologues entrecoupés, elles racontent leurs vies qui semblent sans intérêt,
improvisées. Puis nous voilà transportés au cimetière de Clamart, à
l’emplacement EC4 E12 où la grand-mère de Vanessa est enterrée. « Pourquoi n’a tu jamais été sur sa
tombe ? demande Sephora. Je ne
sais pas, répond Vanessa. »
La réalité du passé prend le pas sur la fiction du présent. « Il n’y aura pas ici d’histoire, je ne veux
pas raconter d’histoire, la réalité est suffisante, ma mémoire m’a été contée »
entonne Séphora d’une voix monocorde.
Un spectacle autobiographique
« Le plus important, c’est d’avoir un petit coin à soi. C’est une des
dernière chose que m’a dit ma grand-mère », raconte Vanessa dans la
pièce. Car il s’agit d’une œuvre qui enquête sur la propre vie des comédiennes.
Elles ont travaillé avec des photos de famille, des documents vidéo
authentiques et les vraies dates de naissance et de morts de leurs
grands-parents. « C’est sur la
question de l’exil, du départ, de se retrouver catapulté en France sans aucun
repères, en ayant quitté sa maison. C’est aussi les questions que ça suscite en
nous, la deuxième génération porteuse de cette blessure-là », explique
Vanessa.
Tout le chemin du spectacle est à la fois une
enquête et une quête de vérité où la fiction et la réalité se mélangent. On
change constamment de décor, de personnages, d’époque, du rire aux larmes en
passant par des moments un peu anxiogènes, comme le retour d’une jeune fille
dans son village qui le retrouve rasé après une épidémie de typhus ou encore
une fille qui demande à son père s’il a torturé des prisonniers pendant la
guerre d’Algérie… Deux ans de recherches et une profonde introspection ont été
nécessaires pour en arriver là : « depuis que je suis adolescente j’ai toujours été intriguée par
l’histoire de mon père mais j’étais face à un mur. Sephora c’est l’inverse,
elle a toujours rejeté cette partie d’elle alors que son physique lui renvoyait
quelque chose qu’elle-même ne voulait pas interroger, souligne Vanessa. Au final on a toutes les deux interviewé
nos parents et on a pu construire notre histoire, notre mémoire. »
Les deux comédiennes essayent aussi de travailler la
question de l’identité, ce « qu’être
français » signifie, et naviguent avec la question très actuelle des
migrants. « En partant de nos on
s’est rendu compte que ça brassait beaucoup plus large » indique
Vanessa.
Changer le
monde
« On
pensait que le théâtre pourrait changer le monde mais c’est un échec, la
question aujourd’hui c’est de changer notre monde, souligne Sephora, le théâtre de Belleville est le
lieu parfait, il symbolise vraiment ce qu’on défend dans notre spectacle. »
Car Belleville est un quartier multiculturel où se côtoient en parfaite
harmonie une multitude de cultures différentes qui font sa couleur et sa
richesse. Mais c’est aussi un quartier pauvre où les questions de l’immigration
et de l’identité sont primordiales. Le théâtre de Belleville, tremplin à
la jeune création engagée, s’intègre parfaitement dans le
paysage, entre autre avec ce spectacle. « On est à Belleville, les thématiques sociales, humaines, et de
solidarité planent sur toute la programmation qui est encore plus politique et
sociale cette année » explique Julie Poignet, co-programmatrice. Le Théâtre de Belleville est entièrement privé, mais est un des
seuls à avoir ouvert ses relations publiques pour travailler avec le quartier
et travailler sur la programmation avec la population. « Belleville c’est un quartier rebelle en lutte pour rester une
terre de migration, de chance, d’ouvriers » décrit-elle.
Au bout d’une heure de spectacle passé comme un coup
de vent, les succès est complet, les applaudissements pleuvent. Le pari est
gagné, le public vient voir les comédiennes pour partager leur propre histoire.
« Il y a quelque chose qui touche au
commun, soutient Sephora, on sent la résonnance, surtout dans ce quartier. »
C’est l’histoire de l’exil, d’un déracinement, d’un déchirement, c’est
l’histoire de Belleville.
Alexis Perché
Réactions
Valérie Dassonville 49 ans, dirige le théâtre de la
Villette, « elles ont complètement affirmé quelque chose, à la fois un
univers et un vocabulaire, c’est très abouti. C’est assumé théâtralement que
c’est un spectacle très personnel ».
Matthis Goldfein, 24 ans, ingénieur du son à Paris,
« c’est un spectacle très beau, très fin, c’est un très beau cheminement
personnel de ces deux femmes, une façon de raconter très pudique et très
inventive, elles parlent des problèmes d’immigration et d’identité autrement et
puis c’est très bien joué ».
Marie-Luce David, 50 ans, scénariste, « c’est
un spectacle exceptionnel parce que ces femmes disent des choses qu’on ne dit
jamais, elles parlent elles parlent du passé mais elles ne parlent pas d’une
mémoire morte, elles parlent d’un commencement. La mise en scène travaille à la
fois sur l’émotion et sur l’intelligence ».
Le Courrier de
l’Atlas // Anaïs Héluin
DES IDENTITÉS FRONTALIÈRES
“F(l)ammes”, “Maintenant que nous
sommes debout”, “Arable”… Trois spectacles, actuellement au théâtre, questionnent
l’identité des “Afropéennes”, ces jeunes femmes au carrefour de plusieurs
cultures. Une manière détonnante de mêler intime et politique.
Par Anaïs Heluin
“Lors des ateliers que j’ai organisés dans les théâtres de région
parisienne qui m’ont accueilli en résidence de création, j’ai été frappé par la
facilité des jeunes filles rencontrées à dire leur trouble identitaire. Les
garçons que j’ai mis en scène dans Illumination(s) en 2013 exprimaient surtout une contestation d’ordre sociale et
politique. Elles, disent d’emblée leur sentiment de rejet par l’intime.”
Point de départ de F(l)ammes, créé en
novembre dernier au Théâtre de la Poudrerie, à Sevran (Seine-Saint-Denis), puis
jouée, entre autres, à la Maison des Métallos, à Paris, cette singularité que
remarque Ahmed Madani éclaire la dimension presque exclusivement féminine des autofictions
qui émergent sur les scènes françaises depuis quelques années. Celles de
personnes nées en France de parents maghrébins, africains ou caribéens.
Autrement dit d’“Afropéennes”, selon le terme de la romancière et essayiste Léonora
Miano, diffusé dès 2012 dans le milieu théâtral par la metteuse en scène Eva Doumbia
puis repris par d’autres.
Des jeunes du Val-Fourré
Réactions à un sentiment
d’exclusion, actes de résistance à l’homogénéité des récits du théâtre
français, ou encore simples recherches esthétiques à partir d’histoires
lacunaires, ces spectacles ont en commun une réflexion sur les notions d’identité
et de frontière. Une conscience des clichés véhiculés par les médias et de la
nécessité d’en dénoncer les grossières ficelles. Selon Ahmed Madani, “le théâtre doit proposer un contrepoint aux
représentations dominantes. Avec la forte actualité dont sont aujourd’hui
l’objet les musulmans, il est important d’aller à l’encontre des stéréotypes en
donnant à voir des individus complexes et plein de vie”. D’où son cycle
consacré à la jeunesse des quartiers populaires débuté en 2012 avec
Illumination(s), où il mettait en scène neuf jeunes garçons de la cité du Val-Fourré,
à Mantes-la-Jolie (Yvelines), et poursuivi avec F(l)ammes. Le pendant féminin
de sa pièce au titre rimbaldien. Les autofictions afropéennes féminines mettent
donc en jeu un intime très politique. A l’opposé de celui qui s’exhibe dans la
plupart des one-woman shows français. Karima El Kharraze s’exprime à ce sujet
de manière explicite, affirmant que sa pièce Arable, écrite pendant les
révoltes urbaines de 2005, “a été le
fruit du pressentiment qu’il fallait explorer des territoires plus intimes non
pour tourner le dos au théâtre politique mais pour toucher au plus sensible et
complexe qui existe en chacun de nous”. Spectacle où une comédienne marocaine
et une comédienne française interprètent un seul personnage qui questionne son
identité afropéenne, Arable crée pour le spectateur, selon elle, “un terreau où
de nombreuses questions et préoccupations actuelles peuvent pousser”.
L’après 13 novembre
Une conviction partagée par Vanessa
Bettane et Séphora Haymann, dont le spectacle Maintenant que nous sommes debout,
consacré à leurs mémoires familiales respectivement algérienne et marocaine et
créé au Théâtre de Belleville en novembre 2016, s’ouvre sur la question des
conséquences du 13 novembre sur les identités. Sur le théâtre et les formes
susceptibles de dire un présent troublé. “Est-il
pertinent de continuer à faire des spectacles dans le contexte de violence
actuel ? Est-ce que nos arrachements personnels peuvent dire quelque chose de
l’état du monde ?”, se demandent les deux artistes. Des questions qui, sur
scène, se traduisent par un refus du quatrième mur et des conventions du
théâtre classique. Notamment par un brouillage, voire une suppression des
frontières entre acteur et personnage, comme chez Ahmed Madani, qui travaille
avec des non-professionnelles. Comme chez Karima El Kharraze également, dont
l’unique narratrice est interprétée par Estelle Lesage et Mouna Belghali, “qui se sont emparé du texte en le
questionnant à partir de leur propre expérience”.
Mis au service de quêtes intimes,
ces partis pris de mise en scène créent une sensation de fragilité. De porosité
entre le réel et la scène, plus ou moins importante d’une pièce à l’autre. Si
l’effet de spontanéité des récits de F(l)ammes est entièrement produit par le
type de jeu recherché par Ahmed Madani, Maintenant que nous sommes debout
est en effet construit selon une trame volontairement très lâche. Ouverte à
l’improvisation. “Nous ne voulons pas nous
enfermer dans la répétition. Nous avons écrit notre spectacle sur le plateau,
en confrontant les résultats de nos deux enquêtes sur nos parents et nos
grands-parents, et nous tenons à garder cette recherche au centre de notre
pièce. Au risque d’échouer à communiquer avec le public comme nous le souhaitons”,
dit Séphora Haymann.
Cette ouverture conduit à une
forme d’hybridité que l’on retrouve dans bon nombre d’autofictions théâtrales afropéennes.
Phénomène qu’explique bien la description des identités frontalières donnée par
Léonora Miano dans Habiter la frontière
(L’Arche, 2012). “Endroit où les mondes
se touchent, inlassablement (…),lieu de l’oscillation constante : d’un espace à
l’autre, d’une sensibilité à l’autre, d’une vision du monde à l’autre (…),lieu
où les langues se mêlent”, l’afropéanité ne pourrait en effet s’exprimer de
manière linéaire. Au théâtre comme en littérature, elle est donc laboratoire d’esthétiques
hybrides. Tissage de diverses langues, disciplines et registres.
Narration et incarnation
Dans Afropéennes puis dans la Traversée
(2013), Eva Doumbia imaginait une esthétique
composite à l’extrême, où danse, musique,
vidéo et théâtre se mêlent en des dispositifs originaux. Entre cabaret,
tragédie et comédie de mœurs. Ahmed Madani opte, quant à lui, pour une forme
plus simple. Devant un écran où sont projetées des vidéos oniriques réalisées
par Nicolas Clauss, les dix interprètes installées sur des chaises disent
chacune à leur tour les
monologues écrits par le metteur
en scène au terme de nombreux entretiens. Karima El Kharraze fait appel au
théâtre d’objets, tandis que Vanessa Bettane et Séphora Haymann limitent
l’hétérogène à leur récit, à leur jeu, pensé dans un constant aller-retour
entre narration et incarnation. Loin de n’enrichir le théâtre français que par
des récits nouveaux, les artistes afropéennes sont alors aussi créatrices de
formes. Et donc doublement précieuses pour un milieu qui, hélas, ne leur ouvre
pas encore suffisamment ses portes.